Un Québec politiquement nécessaire, qui place la mobilité, la dignité et la liberté réelle des citoyens au cœur de son projet collectif !
À l’approche des élections provinciales de 2026, le Québec se retrouve devant une question fondamentale : voulons-nous continuer à gérer nos enjeux sociaux par addition de mesures ponctuelles, ou saisir ce moment pour redéfinir en profondeur le modèle de société que nous souhaitons bâtir pour les décennies à venir? Les défis sont nombreux, mais l’un d’eux révèle particulièrement les limites et les potentiels de notre organisation collective : la mobilité, et plus précisément le transport adapté.
Le Québec ne s’est pas encore donné les moyens d’appliquer pleinement les grandes inspirations philosophiques et sociales qui pourraient guider ce virage. Le Modèle de développement humain – Processus de production du handicap (MDH-PPH) nous invite pourtant à repenser nos politiques en fonction des environnements qui facilitent ou entravent la participation sociale. Et la pensée d’Amartya Sen, prix Nobel de sciences économiques, nous offre un cadre encore trop peu mobilisé ici : mesurer le progrès non pas seulement en croissance économique, mais en libertés réelles, en capacité effective de vivre et de choisir la vie que l’on valorise. Ces deux approches, bien que reconnues, demeurent largement théoriques dans les politiques publiques québécoises actuelles.
Pourtant, lorsque l’on place la participation et la liberté réelle au centre, la mobilité apparaît comme un pivot incontournable. Et dans une société qui vieillit rapidement, cela devient une évidence. Le Québec de 2031 comptera une proportion sans précédent de personnes âgées, que l’on voudra maintenir à domicile le plus longtemps possible, dans leurs milieux de vie, dans leurs réseaux, dans leur quotidien. Mais cette volonté politique, largement partagée, ne peut se réaliser sans une refonte majeure de notre manière d’organiser les déplacements, l’accessibilité et les services de soutien. Les personnes aînées, comme celles vivant avec des limitations fonctionnelles, ont besoin d’une mobilité sécuritaire, flexible, humaine et disponible — une mobilité qui ne les confine pas, mais qui leur donne les moyens concrets de participer.
C’est ici que le transport adapté doit devenir beaucoup plus qu’un programme spécialisé : il doit servir de modèle et de fondation pour un système de mobilité centré sur les citoyens. Le transport adapté est l’un des rares services qui prend véritablement en compte les besoins individuels spécifiques, qui intègre une dimension relationnelle essentielle, et qui repose sur un métier de proximité encore trop peu reconnu : celui des chauffeurs formés pour accompagner des personnes dans leurs réalités humaines, physiques, sociales et émotionnelles. Dans le Québec qui vieillit, ce métier deviendra crucial.
À mesure que grandira la proportion de citoyens souhaitant vivre chez eux, l’importance des métiers de soutien à la personne augmentera — préposés, auxiliaires, accompagnateurs, chauffeurs de transports adaptés aux besoins spécifiques de chaque citoyen-ne. Tous participent au même objectif : préserver l’autonomie, la dignité et la capacité d’agir.
Si le Québec se donne un horizon clair de transformation, alors dans cinq ans, il peut commencer à reconstruire ses politiques de mobilité autour de la participation sociale plutôt qu’autour des contraintes systémiques. Dans dix ans, il peut intégrer les principes d’accessibilité comme fondements de développement et non comme annexes réglementaires. Et dans quinze ans, il peut établir un système où la frontière entre transport collectif et transport adapté s’efface progressivement, non pas parce que les besoins disparaissent, mais parce que les infrastructures deviennent réellement pensées pour la diversité humaine.
Ce Québec là n’est pas utopique : il est politiquement nécessaire. La société vieillit, les attentes évoluent, les réalités changent. Les choix que nous ferons en 2026 détermineront si nous décidons d’accompagner ce mouvement avec ambition ou si nous continuons à corriger des dysfonctionnements au fil de l’eau.
Le transport adapté, trop souvent perçu comme un coût ou une obligation,
est en réalité un laboratoire de ce que peut devenir une mobilité centrée sur les citoyens : personnalisée, humaine, structurante, ancrée dans la participation.
La question pour 2026 est donc simple, et éminemment politique : voulons-nous construire un Québec où chacun, peu importe son âge ou ses capacités, peut réellement participer à la vie collective? Ou acceptons nous collectivement que des obstacles évitables continuent de limiter des libertés et des aspirations? Un Québec qui accepte encore que certains soient laissés en marge? L’avenir du Québec se jouera sur cette réponse.
Durant les quinze prochaines années, la manière dont nous concevrons la mobilité dira beaucoup plus que notre efficacité technique : elle révélera notre vision de la dignité, de l’autonomie et du vivre-ensemble. Et le transport adapté peut — et doit — devenir l’un des piliers de cette vision.
Il ne manque qu’un choix politique clair, et le courage de le mettre en œuvre!