Harmonisation, privatisation, confusion…

C’est avec une vigilance attentive que nous prenons acte du communiqué émis, ce 3 juillet 2025, par la Société de transport de Montréal (STM) annonçant l’octroi de nouveaux contrats de service à des fournisseurs privés dans le cadre du transfert de l’ensemble des déplacements par minibus du transport adapté à des partenaires externes à compter de 2026.

Derrière les discours rassurants, plusieurs garanties évoquées — sur la formation des chauffeurs, le choix des véhicules ou le maintien partiel des fonctions à l’interne — ne suffisent pas à masquer les inquiétudes profondes et légitimes des usagers et de leurs représentants.

Participation associative : réelle consultation ou validation symbolique ?

Nous saluons la participation d’organismes associatifs tels qu’Ex Aequo et le RUTA Montréal à certaines étapes du processus de sélection du véhicule accessible, mais cette participation est-elle représentative de la diversité des besoins des usagers sur tout le territoire ?  Combien d’organismes, combien de comités d’usagers locaux ont été réellement consultés, écoutés, intégrés au processus de décision ? Participer, ce n’est pas valider après coup. La démocratie dans les services publics exige une implication dès l’amont, une transparence dans les options envisagées, et un accès aux informations pour que les usagers puissent exercer leur rôle de citoyen·nes à part entière. Les usagers doivent être co-gestionnaires du transport adapté, pas de simples bénéficiaires qu’on consulte à la marge.

On nous parle du RAM Promaster 3500 comme d’un progrès. Mais pour les usagers, l’accessibilité ne se résume pas à une fiche technique. Ce qui compte aussi et surtout, c’est la stabilité des chauffeurs, une compréhension fine des limitations individuelles, le respect des horaires, et la relation de confiance avec les transporteurs. Or, c’est tout cela qui est mis à mal quand on multiplie les prestataires, qu’on fragmente le service.

Projet d’absorption du transport adapté à Laval : concentration ou recentralisation ?

Autre annonce, plus discrète : la STM et la STL entament des discussions pour confier à la STM la gestion du transport adapté lavallois. Réservations, planification, livraison : tout serait rapatrié à Montréal. Optimisation, dit-on. Mais cette fusion pose un problème démocratique fondamental : où sont les usagers de Laval dans cette discussion ? Qui leur a demandé leur avis ?Ce type de centralisation, sans consultation préalable, risque d’appauvrir la connaissance des réalités locales et d’éloigner encore davantage les instances décisionnelles de ceux et celles qu’elles sont censées servir. La qualité du transport adapté repose sur une approche de proximité, et tout éloignement des instances de décision risque d’accroître la déshumanisation du service. De plus, le communiqué ne précise pas quel rôle joueront les comités d’usagers locaux dans cette éventuelle réorganisation.

Et l’ARTM dans tout ça ?

Nous nous étonnons — et déplorons — l’absence complète de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) dans ces annonces. L’ARTM est censée coordonner, planifier, harmoniser le transport collectif à l’échelle de la métropole. Où est-elle ? Pourquoi n’est-elle pas impliquée, ni même mentionnée ? Une transformation aussi structurante que celle du transport adapté à Montréal et Laval ne peut se faire en silo, ni par simples ententes bilatérales entre sociétés de transport. Elle doit relever d’une vision régionale, inclusive, équitable — avec un cadre transparent et un leadership assumé.

Au-delà des chiffres, des droits !

La STM assure que le transport adapté demeure un service public. Mais comment continuer à y croire quand les livraisons sont confiées à des entreprises privées, que les mécanismes de contrôle sont opaques, et que l’on parle plus d’« efficacité » que de droits fondamentaux ? Ce que les usagers du transport adapté réclament, ce n’est pas un service plus performant ou plus rentable, mais un service humain, stable et fiable, cohérent avec leurs réalités. Ce sont ces principes qui doivent primer sur les chiffres et les tableaux Excel. Et nous ne cesserons de le dire tant que cela ne sera pas entendu.